Esthétique et philosophie de l'art 1

Responsable : Marina Seretti

« Génie ». Le nom sonne comme une évidence, tant son usage s’est aujourd’hui galvaudé. Son ancrage historique dans la théorie de l’inspiration poétique, loin d’en éclaircir le sens, l’enveloppe de mystère, en l’associant à la folie. L’artiste génial est un divin possédé. De l’Antiquité à la Renaissance, l’élection du poète, puis de l’artiste, donne lieu à l’éloge paradoxal du tempérament mélancolique, ouvrant la voie aux théories physiologiques du XVIIIe siècle et, dans leur sillage, aux « pseudo-sciences » du XIX^e siècle (phrénologie, théories de la dégénérescence, anthropologie criminelle de Lombroso, etc.).

En amont, la notion renvoie à l’acte créateur jusque dans ses aspects les plus irrationnels. En aval, elle a partie liée avec la reconnaissance du public, la consécration du chef-d’œuvre et la constitution d’un « marché de l’art ». À l’époque moderne et contemporaine, la notion de « génie » perd progressivement de son « aura » en passant sous le scalpel du regard critique. Originalité, exception, grandeur : les attributs du « génie » artistique révèlent leur caractère factice. Ses enjeux psychologiques et socio-économiques sont mis à nus. Faut-il pour autant renoncer à la notion de « génie » ? Ou bien accepter d’en réduire le sens à la « créativité » potentielle, voire au « quart d’heure de célébrité » de tout un chacun ?

Au fil de l’analyse, nous nous intéresserons de près à certaines œuvres d’art et figures d’artistes-« génies », en sollicitant les outils interprétatifs de l’histoire de l’art et de la sociologie de l’art.

Lectures conseillées

En guise de manuel :

• Darrin M. MCMAHON, Fureur divine, Une histoire du génie, Fayard, 2016.

Bibliographie complémentaire :

• Giorgio AGAMBEN, « Genius », in Profanations, trad. M. Rueff, Paris, Rivages, 2005.
• ARISTOTE, L’Homme de génie et la mélancolie : problème XXX, 1, trad. J. Pigeaud, Rivages, 1988.
• Alan BOWNESS, Les Conditions du succès, Comment l’artiste moderne devient-il célèbre?, trad. C. Wermester, Paris, Allia, 2011.
• Nathalie HEINICH, La Gloire de Van Gogh, Essai d’anthropologie de l’admiration, Paris, Éd. de Minuit, 1991.
• Emmanuel KANT, Critique de la Faculté de juger (1790), trad. A. Philonenko, Vrin, 1993 (Analytique du Sublime, §43-50).
• Ernst KRIS & Otto KURZ, La légende de l’artiste : un essai historique (1934), trad. L. Cahen-Maurel, Allia, 2010.
• Friedrich NIETZSCHE, Humain trop humain (L. IV : « De l’âme des artistes et des écrivains »), in Œuvres, éd. J. Lacoste & J. Le Rider, Paris, Robert Laffont, 1993.
• Erwin PANOFSKY, « Artiste, Savant, Génie », in L’Œuvre d’art et ses significations (1955), Paris, Gallimard, 1969, pp. 133-166.
• PLATON, Ion, trad. M. Canto-Sperber, Flammarion, 1989 ; Phèdre, L. Brisson, Flammarion, 1989.
• Max SCHELER, Le saint, le génie, le héros, trad. Marmy, Éd. Egloff, 1944.
• Edgar ZILSEL, Le Génie, Histoire d’une notion de l’Antiquité à la Renaissance, trad. M. Thévenaz, Paris, Éd. de Minuit, 1993.

Anthologie distribuée au début de semestre :

Le TD donnera lieu à une série d’exposés de la part des étudiants, à partir de cette anthologie. Grâce à l’exercice régulier du commentaire de texte, il s’agit de nourrir la réflexion critique, la connaissance historique des théories philosophiques et la maîtrise des procédures argumentatives.