ECTS
7 crédits
Code Apogée
1MEAU3
Composante(s)
UFR Humanités
Période de l'année
Automne
Description
Titre : L’esthétique comme relais de la politique : le cas Lyotard
Enseignant : E.Sarikartal
Les questions esthétiques sont profondément ancrées dans la philosophie politique et morale. Si les anciens ont tendance à séparer le beau de l’utile et du nécessaire, ils ne cessent pas de chercher la beauté morale et spirituelle. Platon se méfie de certains arts et ne veut pas les inclure dans l’éducation des gardiens de la cité. La poétique d’Aristote dessine les règles d’un art destiné aux hommes capables de logos, ce moyen politique par excellence dans la cité. L’esthétique moderne se rapporte souvent à la manière dont les humains font communauté. Tandis que Rousseau, dans sa Lettre à d’Alembert, exploite l’idée d’une esthétique comme moyen terme entre la morale et la politique, la tradition allemande développe le thème d’une éducation esthétique de l’humanité. La philosophie esthétique de Kant constitue sans doute l’apogée de cette réflexion moderne : le pouvoir de juger s’appuyant sur la sensibilité apparaît comme le pouvoir autonome de faire communauté. Des philosophes du 20e siècle ainsi que des penseurs contemporains s’appuient sur l’esthétique kantienne pour déployer leurs pensées politiques : en témoignent les théories de Hannah Arendt, Jürgen Habermas ou Jacques Rancière.
Dans ce tableau, le cas de Jean-François Lyotard mérite l’attention. Militant politique dans les années 1950 et 60, Lyotard construit une philosophie majoritairement esthétique. Lorsqu’il reprend les problématiques de la phénoménologie, du structuralisme et de la psychanalyse Lyotard soutient le point de vue du sensible contre celui du concept ou du langage. Lorsqu’il s’intéresse à la notion de modernité, il développe toute une réflexion autour du sublime et de l’art avant-garde. Mais à chaque fois, Lyotard semble éviter de politiser sa philosophie : il valorise le singulier, l’inarticulé, le différend, l’hétérogène comme le gage d’une pensée libre. La perspective de communauté, même si elle est susceptible de s’ouvrir par la réflexion esthétique, est rejetée par Lyotard en tant que chemin qui mènerait au totalitarisme. Or il ne semble pas possible de déduire une politique anti-totalitaire de la philosophie de Lyotard : si Le différend thématise le souci de porter à l’écoute le silence des victimes des totalitarismes, le projet du « supplément au différend » ne porte pas de projet politique mais vire vers la métaphysique.
Dans ce séminaire on problématisera l’esthétique de Lyotard à partir d’une perspective politico-morale. Notre hypothèse de travail est que cette esthétique est volontairement formée par l’absence d’horizon politique. Le geste lyotardien d’esquiver toute possibilité de communauté se conjugue à la critique du langage et du concept pour donner lieu à une esthétique qui prendrait le relais de la politique.
Heures d'enseignement
- Philosophie morale et politique - TDTravaux Dirigés12h
- Philosophie morale et politique - CMCours Magistral12h
Bibliographie
Bibliographie indicative
- Kant, Critique de la faculté de juger (1790), trad. A. Renaut, GF Flammarion, 2015.
- Arendt, Juger. Sur la philosophie politique de Kant (1982), trad. M. R. d’Allonnes, Points, 2017.
- Rancière, « Esthétique de la politique et poétique du savoir », Espaces Temps, 55-56, 1994, pp. 80-87.
- J-F. Lyotard, Discours, figure, 1971, Kliencksieck.
- J-F. Lyotard, La Condition postmoderne. Rapport sur le savoir, 1979, Minuit.
- J-F. Lyotard, L’enthousiasme. La critique kantienne de l’histoire, 1986, Galilée.
- J-F. Lyotard, « Sensus communis. Le sujet à l’état naissant », Le Cahier (Collège International de Philosophie), No. 3, 1987, pp. 67-87.
- J-F. Lyotard, Le Différend, 1983, Minuit.
- J-F. Lyotard, L’inhumain. Causeries sur le temps, 1988, Galilée.